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Yennayer : pourquoi les jeunes ignorent-ils leur histoire ?

Ne dit-on pas que nulle chose n’est connue que par son histoire ? N’est-il pas évident que l’étude de l’histoire de nos aïeux nous éclairera davantage sur notre registre culturel et social?

 
 
Yennayer est vraisemblablement l’une des fêtes les plus anciennes de l’humanité encore célébrée au XXI siècle –selon le haut-commissariat à l’Amazighité (HCA) – dans plusieurs pays du continent africain. Elle est traditionnellement célébrée la veille du 12 janvier du calendrier grégorien. Cette fête populaire–quand bien même contestée par certains historiens du fait de l’absence des traces écrites – marque la victoire de Shashnaq sur le pharaon Ramsès III.
Cependant, en dépit de sa popularité au sein des familles algériennes, et bien qu’elle soit célébrée chaque année, l’histoire et l’origine de Yennayer demeurent encore méconnues des jeunes qui ne semblent pas y prêter autant d’intérêt.
En arpentant le grand couloir du marché d’El Biar, on y aperçoit des tables joliment agrémentées de bonbons, noix, figues sèches, amandes, cacahuètes, noisettes, chocolat… etc. disposées l’une à côté de l’autre, ces tables sont prises d’assaut par les ménagères pour faire leur emplettes. Tout le monde se prépare pour fêter Yennayer. Si la tradition est bien conservée par nos ainés, il n’en va pas de même pour la jeune génération qui semble n’accorder que peu d’importance à cette fête ou du moins, à son histoire.

Détachement culturel

Les yeux rivés sur de jolis paniers confectionnés spécialement pour cette fête, Yacine, un jeune étudiant est venu en acheter juste pour «el fel», en grimaçant un sourire, il avoue n’avoir jamais cherché à connaître l’histoire de cette fête pourtant célébrée chaque année.«Pour dire vrai, je ne connais rien de l’histoire de Yennayer et je n’ai jamais demandé à ce qu’on me la raconte. Pour moi, c’est une occasion pour que toute la famille soit réunie», témoigne-t-il. Tout comme Yacine, et en affichant un regard interrogatif, Meriem, une trentenaire, ne connaît pas l’origine de cette fête. «Je ne mentirais pas en disant que je connais l’histoire de Yennayer. Mes parents ne me l’avaient jamais raconté auparavant», répond-elle. En sortant du marché, Kenza, une jeune enseignante primaire se dit non seulement fière de connaître Yennayer mais aussi reconnaissante que ses parents lui aient transmis cette culture.
Non sans une pointe d’humour, elle raconte qu’enfant, elle pensait que Sheshnaq était un grand monstre qui a abattu le Pharaon. «Il faut dire que cette imagination bien qu’elle soit purement puérile, m’a aidé à me souvenir de l’origine de Yennayer. Plus tard, j’ai compris que SheShnaq fut le Pharaon numidien de la XXIIe dynastie après avoir détrôné le Pharaon Ramsès III», raconte-elle, avant d’ajouter que pour perpétuer une culture, il est impératif de la transmettre aux jeunes. «C’est d’ailleurs ce que je fais avec mes élèves. C’est triste de voir nos jeunes détachés de la culture Amazigh. Yennayer constitue pour moi un emblème identitaire à conserver», déplore Kenza.

Les ainés sont responsables de cette méconnaissance

Mais pourquoi l’histoire de Yennayer et si méconnu des jeunes ? Si Ahmed Yacine, journaliste et anthropologue culturel nous éclairent sur cette problématique. Il explique que Yennayer est d’abord une culture orale. «Il est à souligner que l’oralité est une autre source de transmission et donc de conservation d’une culture ou d’une histoire. Cependant, si une histoire se refuge uniquement dans l’oralité, surtout si cette dernière n’est pas conservée, elle risque de perdre sa fiabilité et sera donc vilipendée par la postérité », déclare-t-il.
L’anthropologue incrimine aussi les ainés qui, selon lui, sont responsables de cette méconnaissance. «Nous ne blâmons pas seulement les jeunes pour leur manque d’intérêt, car les ainés en sont responsable. Si le jeune ne cherche pas à connaître l’histoire de Yennayer, personne ne le lui raconte. La conservation de l’histoire se transmettra de génération en génération. Si le fil est coupé, cette culture finira dans les abîme de l’oubli», déplore-t-il.

Reconnaissance de façade

Tassadit Yacine, anthropologue et spécialiste du monde berbère estime qu’il « faut une « réconciliation symbolique », une reconnaissance évidente de cette langue, de cette culture et lui donner de véritables moyens et non une reconnaissance de façade, avec  parfois des incompétences notoires… ceci est mobilisé  non pas pour réconcilier l’Algérie avec elle-même, avec son histoire mais conduire au désintérêt, au désenchantement, à la démobilisation ». « Une construction solide doit mobiliser des compétences, un respect de cette culture et de cette langue car elle constitue la pierre angulaire du patrimoine tant algérien que nord-africain ».  Pour l’anthropologue« On peut tout à fait partir de ce qui est là, de ce qui existe pour des créations modernes en phase avec notre époque et avec la technologie ».

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