Bannière web 1000x250
PUBLICITÉ
Bannière web 300x250
PUBLICITÉ

Procès des détenus: récit d’une journée poignante au tribunal de Bab El Oued

Le procès des détenus d'opinion Idir Ali, Boudjemil Mohand, Karoun Hamza, Lekhal Kamal et Okbi Akli arrêtés le 21 juin dernier lors de la marche du Hirak, en "détention de drapeau amazigh" et poursuivis pour "atteinte à l'unité nationale", s'est tenu aujourd'hui 23 octobre au tribunal de Bab El Oued (Bainem) à Alger.
Arrestation de manifestants qui portent le drapeau Amazigh à Alger.
© INTERLIGNES | Arrestation de manifestants qui portent le drapeau Amazigh à Alger.

Le procès a commencé à 11 heures. La salle d’audience est archi-comble. Les regards des familles se croisent avec ceux des détenus venant tout juste rentrer avec un sourire qui illumine leurs visages reluisant de fierté malgré la fatigue qui se ressent auprès de quelques-uns d’entre-eux. Certains membres des familles, notamment les femmes, n’ont pas pu retenir leurs larmes. « Il est là, mon fils, tu nous manque » cria une des mamans. Le juge s’est montré ferme dès le début et avise les présents :  » les personnes qui vont crier devront quitter cette salle » prévient-il.
Ce dernier appelle les détenus à passer devant la barre pour répondre aux questions : « pourquoi avez-vous brandi le drapeau amazigh et quelles étaient vos intentions? » demande-t-il. Les cinq prévenus debout devant lui, ont répondu l’un après l’autre: « cet emblème représente notre identité amazigh ». 
Le procureur de la république à pris la parole à son tour en s’appuyant sur l’article 79 du code pénal qui stipule que « quiconque, hors les cas prévus aux articles 77 et 78, a entrepris, par quelque moyen que ce soit, de porter atteinte à l’intégrité du territoire national, est puni d’un emprisonnement d’une durée d’un (1) à dix (10) ans et d’une amende de trois mille (3.000) DA à soixante dix mille (70.000) DA. Il peut en outre être privé des droits visés à l’article 14 du présent code », et l’article 6 de la constitution qui stipule dans alinéa 1 que  » l’emblème national est vert et blanc frappé en son milieu d’une étoile et d’un croissant rouges ». Le représentant du parquet estime que  » les couleurs du drapeau brandi sont différentes de celles du drapeau nationale et c’est une atteinte à l’unité nationale ». À la fin de sa plaidoirie, il requiert « une peine de 18 mois de prison ferme et une amende de 50 000 dinars d’amende ».

« nager chez lui à Bouira »

Les avocats ont par la suite commencé leurs plaidoiries et se sont attaqués aux arguments avancés par le parquet. Lors de sa plaidoirie, l’avocate Imedjdoubene Nabila n’a pas pu retenir ses larmes « comment peut-on accuser ces innocents sortis pour protester contre ce pouvoir qui, pendant des années, a mené la pays vers le chaos, et puis, ceux-là (les prévenus Ndlr) qui sont accusés d’atteinte à l’unité nationale. Ou est ce qu’elles sont les preuves? Lors de l’arrestation de Akli Okbi venu de Bouira, les officiers se moquaient de lui en lui disant pourquoi il n’est pas parti nager chez lui à Bouira, parce qu’il leur a dit qu’il est venu  la plage » dénonce l’avocate.

« mesure d’exception »

Quand Me Seddik Mouhous prend le relais, l’ambiance est tout autre. Avec un ton très élevé, il s’attaque à l’article 79 cité par le parquet. « L’article 79 est un article fexible et on peut faire plusieurs interprétations. Dans le code pénal, le délit d’opinion n’existe pas. La constitution algérienne est la mère des lois, Soit vous vous appuyez sur cette dernière ou soit sur un discours d’un haut cadre de la nation » dénonce-t-il faisant allusion au discours du Général Ahmed Gaid Salah qui a déclaré « avoir donné une instructions aux services de sécurité pour punir les porteurs des drapeaux autres que celui de l’Algérie ». L’avocat et plusieurs de ses confrères ont battu en brèche la détention provisoire qui normalement, « est une mesure d’exception car l’article 59 de la constitution stipule que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle dont les motifs, la durée et les conditions de prorogation sont définies par la loi ». Il poursuit en s’interrogeant sur la motivation de leur mise en détention préventive : « ces jeunes ont-ils commis des crimes? représentent-ils un danger sur des personnes? » interroge-t-il le juge aphasique.

« délit à Alger et pas dans les autres wilayas »

Maitre Haddar Karim du barreau de Tizi-Ouzou s’est demandé « pourquoi le port du drapeau Amazigh est un délit à Alger et pas dans les autres wilayas, et surtout en Kabylie? Pourquoi les manifestants sont présenté immédiatement (ou juste après garde à vue de 48 à 72 heures Ndlr) dans les autres wilayas ou il y’avait les quelques arrestations et pas à Alger » demande l’avocat qui relève les irrégularités l’une après l’autre.
« Ils (la officiers) ont arraché le T-Shirt de la JSK au prévenu Kamel Lakhel et ce n’est même pas mentionné dans les procès verbaux (PV). Autre fait plus grave, les officiers de la police ont mentionné dans leurs PV qu’il ont agi en suite à des instruction hiérarchique et non pas sans préciser le donneur de l’ordre, ce qui est très grave » dénonce l’avocat qui regrette la violation des procédures. Lors de cette plaidoirie, le procureur de la république a quitté deux la salle sans dire un mot.

« Djzair Hora Dimocratiya et des youyous ».

A la fin des plaidoiries, le juge demande aux prévenus leurs derniers mots. Ces derniers ont tous demandé d’être relaxés, et certains, ont même demandé la restitution de leurs emblèmes amazighs. Le juge annonce par la suite aux détenus que le verdict sera prononcé la semaine prochaine (mercredi 30 octobre Ndlr), car il doit revoir de plus près le dossier.
Dès que le juge se lève en signe de fin du procès, toute la salle s’est mise a scander « Djazair Hora Démocratiya (Algérie libre et démocratique), et les femmes poussaient des youyous.
Les familles des détenus ont toutes attendues la sorties des détenus du tribunal dans le fourgon cellulaire qui les a transféré à la prison d’El Harrach. À ce moment là, la foule s’est mise à scander « Libérez nos frères, libérez les détenus, Anwa wigui d’imazighen ».
Ainsi se clôture le deuxième procès consécutif des détenus d’opinion après celui qui s’est déroulé hier au tribunal de Sidi M’hammed jusqu’à 23 heures, pour le jugement de six détenus dont le verdict sera prononcé le 29 octobre prochain.

AD-300-X-250