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Mémoire Amel Zanoune: Avons-nous perdu la raison ?

Aujourd’hui on m’a battue sous les cieux. On m’a battue lorsque pour la dignité je me suis battue. Quel était mon pêché si ce n’est celui d’être femme ? Un péché que je n’ai pas commis. Un péché qui m’a été choisi et imposé par cette force qui, finalement s’est remise en cause et ordonne de me pourchasser.

 
Je le voyais en humain. Mais qu’est-ce qu’un humain ? Un cerveau et une morale avant tout, un cœur qui bat délicatement lorsque la morale est de fer, puis s’imprime la sensualité des sens qui viennent tenir en transe le cœur quand il bat fort, si fort de bonheur. Mon compatriote est dispensé de réfléchir, son cœur ne soutient aucune euphorie. Ses sens quand ils s’exhibent c’est souvent pour un geste disloquant. Et oui !
En le voyant ce matin, tout comme lui ; je me rendais à mon affaire. Tout comme lui je me suis vêtue de liberté, celle qui m’a été donnée par dieu et par les droits humains. Tout comme lui, enfin j’avais cru, je ne me souciais pas des passants. Suis-je juge, bourreau, police des mœurs, état de sécurité, dieu des terres et de cieux ? A toutes ses interrogations, la raison répond par une négation. Je ne suis qu’un citoyen disposant de droits et d’obligations.

Ces hommes sans foi ni loi

Mais je suis une entité qui n’aime pas fléchir devant la connerie, celle que certains se sont donnés pour appliquer un état sauvage. Cet état qui dispose d’une seule loi : quand on ne convient pas à leurs idéaux le lynchage est de droit. Oui ! Aujourd’hui on m’a battue, quand j’ai, cheveux au vent, « osé » rire dans ces rues irriguées de sang au nom de la liberté. Aujourd’hui on m’a battue, non encore pire, on m’a abattue.
Individuellement ? Non ! Collectivement. Aujourd’hui mon peuple m’a battue en silence. Ils sont passés tête baissée devant l’injustice de ces hommes sans foi ni loi. Ils m’ont insultée, injuriée et tabassée. Ils ne sont pas arrêté là, mon cher peuple, ils m’ont même lu mes droits, ont levé la séance et appliqué la sentence ; m’égorger, comme une pauvre bête. Oui c’est le bon terme quand le monde est si bas.
Mon peuple parle de pudeur, de dignité, du droit à la vie et surtout de sa peur sans limité pour l’omnipotent. J’étais fière de cela jusqu’au matin où tout a basculé. Ce matin j’ai vu des têtes penchées vers le bas par peur du bourreau- celui qui a fait son droit sur moi- et non de Dieu. Je n’arrive toujours pas à faire mon deuil, je pleure ma mort, je pleure aussi la vie si elle m’était, donnée, si, encore, aujourd’hui je pouvais (ou j’aurais pu) être parmi vous.

Haine

Je te pleure frère, ami, voisin. Je te pleure peuple. Toi qui m’a délaissée, toi qui n’a pas appris ta leçon ; celle de l’humanisme ni même celle du nationalisme. Mon peuple, je te vois trainer les pieds, je te vois encore soumis. Je t’observe et je plains cette lâcheté qui se dessine sur tes épaules écrasées par la peur et l’ignorance. Je ne voudrais pas que ce fascisme te détruise mais dans ces sombres nuits, l’insulte, le mépris, l’intimidation subis, femme que je suis les larmes remplissent les trempes. Les flots de mes yeux s’écoulent et mon espoir s’écroule avec, en aucun cas pour l’ignorance du bourreau. Quelle société n’a pas connu de fous ? Aucune.
Le silence de mon peuple, l’indifférence générale devant le crime, voilà ce qui peut endurcir une âme humaine. Toi frère, père concitoyen qui soutient toute forme de violence, qui face à mes courbes tergiverse de haine, n’as-tu donc pas de sœur, de femme, de mère ? As-tu été engendré par erreur pour me porter tant de haine ? N’as-tu jamais tété le sein pour ressentir l’amour d’une mère, n’as-tu jamais essuyé les larmes d’une sœur pour comprendre son amertume ? N’as-tu jamais pris entre tes bras une femme pour être bercé sur les battements de son cœur. Ta dignité se limite-t-elle à une fatwa ? L’amour est-il une théorie qui ne verra jamais l’aube de tes jours ?

Pourquoi me baignes-tu dans du sang, alors que l’amour fait vivre éternellement.

Mon peuple, réveille-toi de ton sommeil, il a tant durée. Je t’invite à lire des songes déjà écrits, à voir la beauté de la vie, et éviter de la noircir. Je t’invite à contempler ces visages blanchis par l’espoir de la réussite et l’amour partagé. Mon Algérie, pourquoi me baignes-tu dans du sang, alors que l’amour fait vivre éternellement.
J’aurais eu 44 ans aujourd’hui, j’aurais transmis l’amour et même la vie si on ne m’avait pas comptée mes jours un 26 janvier de l’année 1997.

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