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Hind Benmiloud, avocate spécialisée en droit des technologies de l’information : « Il faut aller vers une réelle et nécessaire stratégie de cyber sécurité »

Crédit photo: DR. Hind Benmiloud, avocate spécialisée en droit des technologies de l'information

Dans cet entretien, Hind Benmiloud, avocate spécialisée en droit des technologies de l’information, nous explique, entre autres, les dispositifs juridiques autorisant le recours à la surveillance électronique et les conséquences de la mise sous tutelle de l’organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux TICs (ONPLCILTIC), par le Ministère de la Défense Nationale (MDN), auparavant placé sous l’autorité du Ministère de la Justice. De son point de vue, « cela ne change rien, ces ministères sont des organes étatiques  et quelque soit le ministère désigné, il aura pour mission de contrôler et de surveiller les communications électroniques, c’est expressément prévu par la loi ».

 

Juridiquement qu’elle est la définition de cet organe (TIC), et quelles sont ses missions et objectifs ? 

L’organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux TICs (ONPLCILTIC) a été créé par la loi du 09-04 du 5 août 2009. Ses missions principales consistent à la dynamisation et la coordination des opérations de prévention et de lutte contre la cybercriminalité ; assister les autorités judiciaires et les services de police judiciaire ; l’échange d’informations avec les entités étrangères (Art 16/17).

En effet la loi 09-04 du 5 août 2009 relative à la prévention et à la lutte contre les infractions liées aux TICs a mis en place les mécanismes de prévention et de lutte contre les infractions liées aux TICs.

Le recours à ses dispositions est justifié par des impératifs d’ordre public. Les nécessités des enquêtes judiciaires et la mise en place des dispositifs techniques ont pour but d’effectuer des opérations de surveillance des communications électroniques, d’effectuer la collecte et l’enregistrement en temps réel des contenus et d’opérer des perquisitions et des saisies dans un système informatique.

Les cas autorisant le recours à la surveillance électronique, cités dans l’article 4 de la loi 09-04, sont comme suit : le terrorisme, la subversion et l’atteinte à la sûreté de l’Etat ; la menace de l’ordre public, de la défense nationale ou de l’économie ;  les besoins d’enquêtes et des informations judiciaires ainsi que la prise en charge des demandes d’entraides judiciaires.

Il y a lieu de souligner que, sous peine des sanctions prévues par le code pénal en matière d’atteinte à la vie privée d’autrui, les dispositifs techniques mis en place aux fins désignées de l’article doivent être orientés, exclusivement, vers la collecte et l’enregistrement de données en rapport avec la prévention et la lutte contre les actes terroristes et les atteintes à la sûreté de l’Etat. Normalement cela est strictement réglementé.

 

Quelles sont, selon vous, les conséquences de la mise sous tutelle de cet organe par le Ministère de la Défense Nationale (MDN), et non plus par le ministère de la Justice ? 

Il convient de préciser que ce type d’office est créé par l’Etat. Cependant, bien qu’il soit placé auparavant sous la tutelle du ministère de la Justice, on ignore si c’est le ministère de la Défense ou celui de l’Intérieur qui est à l’origine de sa création.

Si l’on prend l’exemple de la France, il existe une structure interministérielle centralisée de contrôle, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Elle est composée d’officiers de police judiciaire de police nationale, de militaires et de gendarmes, agissant ensemble dans la lutte contre la cybercriminalité et tous types d’infractions liées aux TICs.

De mon point de vue, cela ne change rien. Ces ministères sont des organes étatiques et quelque soit le ministère désigné, il aura pour mission de contrôler et de surveiller les communications électroniques. C’est expressément prévu par la loi.

N’oublions pas qu’Internet est né du premier réseau militaire américain ARPANET, qui est devenu civil par la suite à condition qu’il n y ait pas d’abus.

J’aime à penser que nous sommes en construction d’un Etat de droit et que le ministère de la Défense devra respecter strictement la loi, les libertés et le droit à la vie privée des citoyens, consacrés par la constitution Algérienne.

 

Ne craignez vous pas qu’il y ait une intention politique qui sous-tend la décision du MDN ? 

Je ne peux pas présager de l’intention politique. N’étant pas une politologue, je me contente d’analyser au plan juridique le texte qui a permis la création de cet organe et ses missions.

Mais je pense qu’il ne faut pas s’arrêter à la mission unique de surveillance des personnes mais d’aller vers une réelle et nécessaire stratégie de Cyber sécurité et de Cyber défense, indispensables aujourd’hui pour notre pays.

 

Où devraient s’arrêter, d’après votre expérience, la prévention contre la délinquance et la surveillance pour la lutte contre la criminalité ? Où commence, selon vous, l’intrusion dans la sphère privée des personnes ?

De tout temps, les Etats dans le monde entier ont toujours créé des services dont les principales tâches sont la surveillance des réseaux et la collecte d’informations grâce à l’utilisation des technologies de l’information, donc grâce aux données. On sait tout sur tout le monde, tous les Etats sans exception surveillent et contrôlent leurs citoyens et les citoyens du monde.

La géo-localisation, à titre d’exemple, permet de savoir où vous vous trouvez exactement ! Les employeurs pistent leurs employés grâce à la géolocalisation. Si cette dernière n’est pas réglementée, ce serait une atteinte à la vie privée et aux libertés des citoyens.

Il est donc utopique de penser aujourd’hui qu’il n y a pas de surveillance, ni de contrôle des Etats dans le cyber-espace.

La lutte contre la cybercriminalité est un défi mondial et la limite entre contrôle et liberté est très tenue.

Cependant, il ne peut y avoir d’intrusion dans la sphère privée des populations sans raison valable et fondée en droit. Il appartient aux citoyens de connaître leurs droits et leurs devoirs et de rester vigilants quant à la protection de ces droits et à la préservation de leurs libertés.

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