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Grève du Cnapeste : Qu’est-ce qui fait courir Ali Aya ?

Nouria Benghebrit, ministre de l’Education nationale, en recevant ce mardi 13 février, Ali Aya, l’imam de Djamaâ El K’bir (la Grande mosquée) d’Alger, fait quitter au conflit qui oppose son département ministériel au syndicat du Cnapeste sa sphère sociale, qui est la sienne par essence. De ce fait, elle l’engage, et avec fracas, dans la sphère religieuse, enveloppé gravement du voile islamiste.
La composante religieuse du trio qu’elle a reçu, quand bien même s’y trouve un avocat, Me Bitam Nadjib en l’occurrence, dessine l’image d’une école qui revient, bredouille, sur les pas d’une politique que l’on annonçait, tapageusement, comme engagée pour la laïcisation de l’école algérienne. Mais que la démarche de Mme Benghebrit croise le chemin de Ali Aya, ancien militant du FIS dissous, le Front islamique du salut, il y a bien des questions qui se doivent d’être posées. Et il y a des évidences qui éclatent pour nous rappeler que l’Etat théocratique a bien posé ses coffrages, et que Benghebrit a reçu, mardi, un de ses fidèles coffreurs.

Les sévices du maquis

Depuis quelques temps, Ali Aya s’est fait visible sur la scène nationale et s’est fait connaître par des positions et réactions parfois hystériques, pour le moins farouches. La plus tapageuse a été celle où il a perturbé, il y a à peine quarante cinq jours, une conférence, organisée par le journal El Hiwar, avec l’islamologue Saïd Djabelkhir à la vision moderniste de l’islam, diamétralement opposée à celle de l’imam.
D’aucuns connaît en Ali Aya l’ancien cadre du FIS dissous, celui que Lyes Laribi désigne, dans son livre L’Algérie des généraux, comme l’un des deux prédicateurs, en compagnie de Hachemi Sahnoune, qui a emmené des milliers d’Algériens enrôlés par le FIS pour la guerre d’Irak. On garde aussi de Ali Aya, l’image de celui qui se plaignait devant la caméra de la télévision nationale, à sa libération dans les années 90 par les groupes islamistes armés, des sévices corporels qu’il aurait subis au maquis.

Des fetwas à tout vent

Mais le fait est presque négligeable dans le parcours d’un personnage qui s’est efforcé à devenir public en décrétant des fetwas à tout vent. Y compris contre les caméras cachées. Mais celles qui collent à l’actualité, c’est les fetwas qui ont pris pour cible le département ministériel de Benghebrit. En septembre dernier, il s’était attaqué à la décision du ministère de l’Education nationale d’interdire le voile intégral, le niqab, à l’école. «Le niqab est un devoir pour la femme» avait-il décrété, récitant des sourates qui parlent de «hidjab», sur la chaîne de la télévision pro régime Ennahar TV, qui se fait souvent le porte-voix de l’imam.
Également chef de la «zaouia scientifique pour l’apprentissage du Coran et du dhikr», Ali Aya a pris part au tollé islamiste soulevé par la décision de la ministre d’annuler la «basmala» dans les manuels scolaires des matières scientifiques. Nouria Benghebrit est demeurée dans la ligne de mire de l’imam qui s’en est remis, en novembre dernier, au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, l’exhortant de rappeler à l’ordre sa ministre dont la politique contrariait les ambitions salafistes, dont celle de Ali Aya.

Un imam sur le terrain du Cnapeste

L’imam s’est même invité dans des questions économiques lorsqu’il a appelé le gouvernement à appliquer la chariâ et la sunna dans la loi bancaire, expliquant à qui voulait l’entendre que, de la sorte, «il ne subsistera aucun pauvre dans le pays». Au gouvernement il disait que l’intérêt bancaire «est une catastrophe pour le monde».
Pour la rencontre de mardi avec Nouria Benghebrit, l’imam, qui ne maîtrise pas le nom du syndicat gréviste («CNAFSET», a-t-il dit), avait déclaré que si le ministère lui ouvre les portes il garantit une obligation de résultat. «Je vous garantis que dimanche prochain les élèves reprendront leurs cours et les problèmes trouveront leurs solutions» a-t-il avancé, sûr de son pouvoir de persuasion. Qu’est ce qui donne cette étrange assurance à un imam sur le terrain du Cnapeste ?
Ali Aya joue la récupération, profitant des voix qui qualifient le Cnapeste de syndicat «islamiste», pour vouloir la tête de Benghebrit. Comme tous les islamistes, Ali Aya aussi veut la tête de Benghebrit. La ministre, qui ne le sait que trop, n’était pourtant pas dans l’obligation de le recevoir. Ou Benghebrit est acculée par la poursuite de la grève malgré le verdict de la justice, ou son hôte lui a été imposé d’en haut.

Sur la pointe des pieds

Le régime en place s’est toujours appuyé sur les zawiyas et les imams. Ces derniers sont investis d’un discours aux relents politiques lors des échéances électorales. Il y a un mois, ils ont été instruits d’adapter leurs prêches à la décision de Bouteflika d’officialiser la fête amazighe de yennayer. Il n’est pas exclu que Ali Aya soit une voie de recours pour un gouvernement qui n’a pas de solution devant l’obstination du Cnapeste à aller jusqu’au bout de son action. L’islamisation rampante de la société algérienne, dont des pans entiers sont soumis au sacré, inspirerait le régime et l’encourage à tenter d’expérimenter cette option religieuse. Y compris sur des enseignants ? Seul le Cnapeste pourra y réponde.
En attendant, qu’il le fasse, le face-à-face Aya-Benghebrit est une image de plus qui nous fait voir l’islamisme en train de circuler dans les arcanes du pouvoir sur la pointe des pieds.

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