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Entretien avec Dr Lyes Merabet: « la situation sanitaire est en train d’exploser »

Crédit photo:DR. Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP)

Le nombre de contaminations au Covid-19 connaît une recrudescence inquiétante ces derniers jours en dépassant la barre des 400 cas quotidiens. Dans cet entretien, le président du Syndicat National des Praticiens de Santé Publique (SNPSP), le Dr Lyes Merabet, nous explique les raisons de cette flambée et ses retombées sur les hôpitaux algériens. Le médecin souligne la nécessité d’accélérer la cadence de la campagne de vaccination et l’importance du respect des mesures barrières pour casser la chaîne de transmission.

Comment évaluez-vous la situation dans les hôpitaux algériens notamment après la flambée des cas de Covid-19 ?

C’est une situation pour le moins inquiétante au vu du nombre de malades qui ne cesse d’augmenter quotidiennement. Ça confirme la tendance à la hausse de cette courbe pandémique depuis pratiquement un mois. Bien que les chiffres annoncés quotidiennement ne traduisent pas la réalité de la situation sanitaire. Le nombre communiqué, c’est le nombre de cas confirmés à travers des tests PCR et nous avons une certaine faiblesse à l’assurer à tous les patients et aux cas suspects autour d’eux depuis le début pour des conditions qui sont en relation avec les coups de l’examen, la disponibilité de l’examen un peu partout, mais aussi parce que cet examen nécessite des réactifs et des kits de prélèvement. Sur le terrain, nous faisons le constat que depuis deux trois semaines la situation est en train d’exploser.

Est-ce qu’on peut dire que les hôpitaux sont saturés notamment après l’instruction du ministère de ne plus recevoir des hospitalisations hors covid-19 ?

Les hôpitaux ne sont pas saturés. Ce sont les services dédiés au covid-19 qui le sont et c’est pour cela que nous avons mobilisé les autres services. C’est ce qui explique que le comité d’experts s’est réuni en urgence il y a une semaine après avoir fait l’évaluation des chiffres qui sont présentés chaque jour. C’est le constat qu’on est sur une situation qui est en train de se compliquer graduellement, mais d’une manière constante qui a motivé la décision de solliciter la mobilisation d’autres capacités afin d’assurer à chaque malade nécessitant une hospitalisation un lit notamment en services de réanimation. Mais cette prise en charge se fait aux dépens des autres activités, il faut le dire. Quand on utilise d’autres services hospitaliers c’est-à-dire qu’on va reléguer au second plan la prise en charge d’autres malades qui ne souffrent pas de covid-19 mais qui ont besoin eux aussi d’une prise en charge et on ne sait pas combien de temps cela va durer.

Quelles sont les raisons à l’origine de la dégradation de la situation sanitaire ?

Les raisons sont multiples et elles sont pratiquement les mêmes chez nous et ailleurs. Il y a des raisons qui sont propres à la logique même de l’évolution de la pandémie. Nous constatons que ça évolue par vague. En Europe, on parle de la quatrième vague alors que chez nous, c’est la troisième vague qui est en train de prendre de l’espace et de la hauteur malheureusement. C’est propre aux caractéristiques du virus qui mute régulièrement.

Quelle est la proportion des nouveaux variants du covid-19 dans cette flambée ?

Nous parlons actuellement des deux variants, qui sont très contagieux, Alpha et Delta communément appelés britannique et Indien. Le niveau de contamination est neuf fois plus élevé que celui de la souche qui s’est répandue chez nous au début de la pandémie. Si pour la première souche pour chaque malade il y a au minimum trois malades contaminés pour ces nouveaux variants il faut multiplier le chiffre par 30, 40 jusqu’à 50. Donc imaginez avec moi le nombre de malades qui vont arriver aux niveaux des structures de santé rapidement et de manière continue. C’est une évolution qui peut rapidement saturer les couloirs des urgences et des services hospitaliers et les réanimations. J’espère qu’on n’arrivera pas à ce niveau-là et c’est pour ça que nous sommes en train d’alerter et de sensibiliser.

La reprise partielle des vols, est-elle aussi à l’origine de cette situation ?

C’est un autre élément. C’est parmi les éléments qui peuvent expliquer la remontée de cette courbe pandémique. Mais il n’y a pas que les vols. Pour moi, personnellement, c’est le non-respect des mesures barrières et l’indiscipline dans laquelle on est aujourd’hui. C’est le chaos chacun fait comme il veut. 90% sinon plus de la prévention est dans le port de la bavette et c’est ce qui fait défaut chez nous.

Pourquoi à votre avis la campagne de vaccination peine à convaincre les Algériens ?

Je constate que ces dernières semaines beaucoup de gens se manifestent au niveau des unités de vaccination mais ça reste quand même relativement faible par rapport aux buts qui sont attachés à cette campagne vaccinale, c’est-à-dire vacciner au minimum 17 millions à 18 millions d’Algériens. Aujourd’hui, nous sommes à peine à 2.200.000 algériens vaccinés y compris les personnels de la santé. Je pense que c’est très peu en six mois et je pense que nous avons intérêt à accélérer la cadence de la campagne vaccinale. C’est tributaire de la disponibilité des quantités de vaccins et c’est tributaire aussi des campagnes de sensibilisation qui doivent se maintenir et s’accélérer afin de convaincre justement les citoyens d’aller vers ces vaccinodromes.

Le personnel médical est-il autant impacté même après le début de la campagne de vaccination ?

Oui, nous continuons à recenser des décès malheureusement. Je donne ce chiffre pour le Syndicat National des Praticiens de la Santé Publique (SNPSP) nous comptabilisons 234 décès tous corps confondus secteur public et privé. Concernant les cas d’infections, aujourd’hui, nous sommes au minimum autour de 14.000 cas. Ça fait longtemps que le ministère de la Santé ne communique plus sur cette situation et je ne comprends pas pourquoi. Normalement, c’est l’un des éléments de l’évaluation justement et c’est un droit pour le personnel de la santé pour pouvoir apprécier les mesures de protection. Leur dispenser les prises en charge au niveau psychologique et médical lorsqu’ils sont malades. Les accompagner parce qu’ils sont dans une situation de stress absolue à cause d’une pression terrible depuis presque deux années.

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