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Covid-19 – Ramadhan : ces algériens « abandonnés » au pays d’Erdogan…!

L’opération de rapatriement des citoyens algériens bloqués en Turquie, annoncée en grande pompe, s’avère très lente et complexe. De nombreux algériens restent encore bloqués au pays d’Erdogan. Pourquoi ? Que s’est-il passé ?

Depuis plus d’un mois, près d’un millier d’algériens restent toujours bloqués en Turquie suite à la fermeture de l’espace aérien, décision prise dans le but de réduire les risques de propagation du coronavirus. Le chef d’Etat, Abdelmadjid Tebboune, avait pourtant annoncé, le 2 avril dernier, une opération de rapatriement de 1 788 Algériens se trouvant à Istanbul.

Des avions d’Air Algérie et de Turkish Airlines devaient être affrétés du 3 au 5 du même mois pour les rapatrier. Mais il s’est avéré que le nombre de personnes immobilisées sur place est finalement plus élevé et que l’opération lancée n’a pas été un succès.

Les personnes bloquées lancent des cris de détresses. Sur les réseaux sociaux, ils multiplient les appels qui ne trouvent toujours pas d’échos auprès des autorités. Nous sommes entré en contact avec certains d’entre eux. C’est le cas de F.D qui travaillait comme consultant médical chez ILAJAK Medical (une filiale de l’une des plus importantes entreprises en Turquie ; IMTILAK Immobilier).

Ce dernier a été licencié par un simple appel téléphonique. Comme beaucoup de ses collègues étrangers, sa profession ne lui permet pas d’exercer en télétravail en ces temps de confinement. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur la situation financière des travailleurs étrangers en Turquie.

« Je travaillais onze heures (11h) par jour, avec un salaire minable de 350 euros, qui ne me permettait que de payer mon loyer et de subvenir à mes besoins », se plaint-il, avant de clamer : « je veux rentrer dans mon pays ».

Si F.D, légalement installé à Istanbul pour des raisons professionnelles, se trouver en difficulté financière, qu’en est-il de ceux qui sont de passage dans ce pays pour un court séjour et dont le visa et les titres de voyage ont déjà expiré ? Gros problème.

Certaines personnes bloquées affirment même avoir été menacés, durant le premier jour de Ramadan, par des responsables de l’hôtel Grand Palace à Istanbul « qui ont brandi des armes à feu ». Ils voulaient empêcher des clients algériens de sortir de l’hôtel pour faire des vidéos, dans le but de contester la livraison du repas de Ramadan, huit heures avant l’heure de l’Iftar.

Cette situation n’est qu’une preuve supplémentaire de « la négligence de l’ambassade et du consulat qui se rejette mutuellement la responsabilité ». Dégoutés par cette situation, ces algériens interpellent à nouveau les autorités, notamment la représentation diplomatique algérienne en Turquie, pour les prendre en charge.



« Il y quelques jours, trois avions ont regagné l’Algérie, mais nous, nous n’étions pas au courant », témoigne notre interlocuteur. La situation de ces algériens, jeunes et moins jeunes (venus principalement pour des soins), est catastrophique. Selon des témoins, certains dorment à même le sol dans les rue et encourent le risque de contamination au Covid-19, mais aussi de se faire verbaliser par les forces de police turques, pour non-respect du couvre-feu imposé par les autorités.

Silence radio !

Nous avons essayé à maintes reprises de contacter l’Ambassade d’Algérie à Istanbul, à Ankara et les différents services consulaires, mais en vains. Nos appels restent toujours sans réponse. Silence radio ! Ce qui accentue le sentiment d’angoisse chez ces Algériens qui vivent un cauchemar sans fin en Turquie.

Alors que les gouvernements du monde entier prennent des mesures exceptionnelles pour rapatrier leurs concitoyens, dans le but d’assurer leurs sécurités contre cette pandémie, les autorités algériennes semblent décidées de laisser plus de 1 000 ressortissants seuls et sans aucune assistance dans un pays qui n’est pas le leur.

En plus de la saturation des hôtels et les moyens financiers qui manquent pour pouvoir prolonger leur séjour et vivre à l’abri du besoin, ces algériens sont obligés « de mendier », pour reprendre les termes d’Abderrahmane, bloqué lui aussi sur le sol turc. Ils se disent humiliés et regrettent le mépris des autorités qui semblent les avoir abandonnés à leur triste sort.




« L’arbre qui cache la forêt »

Contacté par téléphone, Idriss Rebbouh, médecin algérien, établi en Turquie, et Président du conseil d’administration de l’Association Internationale des Algériens (AIA), explique qu’il existe deux catégories d’expatriés à cause de la pandémie dont la majorité se trouve à Istanbul : ceux qui possèdent des billets de retour et ceux, installés provisoirement avec « un titre de résidence touristique », qui n’ont pas de billets.

Ces derniers, selon lui, ne sont pas prioritaires dans l’opération de rapatriement. En effet, les services de l’ambassade ne prennent en charge que ceux qui sont inscrits dans leur liste d’affectation dans les hôtels, sous condition d’avoir ce sésame : un billet de retour.

Avec la propagation de la pandémie du Covid-19 en Turquie et le gel des vols entre les deux pays, l’Ambassade d’Algérie à Istanbul a notifié clairement aux responsables de l’AIA que « seuls ceux qui ont des billets de retour » peuvent être hébergés au frais de l’État algérien, en attendant l’amélioration progressive de leur situation.

Une partie des algériens bloqués en Turquie ne peut pas travailler. Ils vivent de petits boulots, qu’ils exercent clandestinement, car, poursuit notre source, ils ne bénéficient pas de couverture sociale.

Sur internet, l’Ambassade d’Algérie à Ankara tente de calmer les esprits. Il publie un communiqué dans lequel elle donne sa version de la situation.

« L’Ambassade d’Algérie à Ankara (…) s’assure toujours de la crédibilité et de l’exactitude de toutes les informations publiées et continue ainsi à adhérer à cette approche et ligne de conduite transparente, en toutes circonstances », lit-on dans ce communiqué.

Et d’évoquer la question des « (…) vols qui seront organisés, dans les prochains jours, par la compagnie Turkish Airlines vers l’Algérie, et souhaite préciser, à cet effet, qu’elle n’a pas été, jusqu’ici, informée officiellement de ce sujet ; elle n’agit pas de son propre gré ; elle ne dispose aucunement d’une flotte aérienne ou maritime et elle n’est pas habilitée à gérer les vols des compagnies aériennes « Turkish Airlines » ou « Air Algérie ».

Poursuivant, la représentation diplomatique rappelle que « toute information émise par une quelconque partie non officielle algérienne faisant état de quoi que ce soit en contradiction avec la présente mise au point, n’est rien de plus qu’une rumeur ou spéculation infondée et n’engage de ce fait, en aucune manière, la responsabilité de l’Ambassade ».

Cette version des faits n’est pas appréciée par M. Idriss Rebbouh. Il précise que l’épisode du blocage des Algériens pendant 8 jours à l’aéroport international d’Istanbul n’est que l’arbre qui cache la forêt. « On est devant une nouvelle situation qui est plus qu’inquiétante et complexe », enchaîne-t-il.

Le médecin regrette surtout le manque de considération des autorités. Selon lui aucun diplomate ne s’est déplacé pour rendre visite aux Algériens bloqués. Il nous précise qu’un fonctionnaire (chauffeur selon lui) a été chargé « de caser momentanément ces algériens, dans les hôtels ».

« Moi-même, je me suis proposé pour que mon association apporte sa pierre à l’édifice afin de prendre en charge nos concitoyens, mais aucun diplomate n’a répondu favorablement à notre proposition», déclare-t-il.

Les Harraga, dans le flou

N’ayant ni titre de résidence, ni aucun document de régularisation de leur situation, les sans-papiers subissent une précarité multidimensionnelle. Ils sont entre le marteau de la clandestinité et l’enclume du nouveau coronavirus. Cette catégorie qui a choisi de fuir son pays pour de meilleures perspectives, vit dans l’incertitude en Turquie. Entre une vie menée au jour le jour, un travail dur et clandestin pour gagner des salaires misérables et le couvre-feu imposé par les autorités, ces algériens sont exposés à tous les dangers.



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