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Affaire Achaïbou/Bouchouareb : pourquoi la justice n’ira pas jusqu’au bout

A chaque révélation d’une affaire de corruption impliquant un dignitaire ou un protégé du régime se pose et se repose l’éternelle question du rôle de la justice algérienne et de l’indépendance qu’elle se doit de montrer en s’affranchissant de la chapelle du pouvoir exécutif. La question est présentement lancinante avec ce nouvel épisode induit par les graves accusations de corruption faites par le patron du groupe Elsecom Automobile, Abderrahmane Achaïbou, à l’encontre de l’ex ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb. Achaïbou dit-il vrai ? Bouchouareb est-il coupable de tentatives de corruption pour débloquer ses projets de montage automobile ? Les Algériens se le demandent. L’ex ministre a-t-il abusé de son pouvoir ? Qu’attend la justice pour s’en mêler sérieusement ?

Giron du pouvoir

Ce sont les vraies questions que se partage la rue algérienne qui, pourtant, ne croit pas trop au sacro-saint principe d’isonomie qui fait que les citoyens doivent être égaux devant la loi, au nom d’un des fondements de la démocratie. Parce qu’il y a besoin de rétablir des équilibres et la confiance, les feux se doivent d’être braqués plus sur l’institution judiciaire que sur l’accusé et son accusateur. Achaïbou a dit ce qu’il a à dire, Bouchouareb a gardé le silence, et il est attendu du parquet qu’il ouvre une information judiciaire sur le contenu des accusations. Mais, les mœurs politiques du pays, qui gardent le pouvoir judiciaire dans le giron du pouvoir exécutif, n’ont pas fait jusque-là de l’autosaisine de la justice une pratique systématique.

Révélations de Achaïbou

Pour cette affaire Achaïbou/Bouchouareb, le procureur prés le tribunal de Bir Mourad Raïs a convoqué l’accusateur, lançant une procédure «administrative» qui ne garantit pas l’enclenchement d’une information judiciaire. Le parquet veut savoir davantage sur les révélations de Achaïbou. Rien ne garantit que la procédure ira jusqu’au fond de l’accusation, et ce pour des raisons que nous livrent implacablement et incontestablement l’histoire et les textes mêmes. Les textes d’abord. Les lois algériennes ne prévoient pas de faire passer un ministre, en fonction ou non, devant une juridiction de première instance, en termes simples, devant les tribunaux du commun des justiciables, là où passe le simple citoyen.

Malversations

Abdeslam Bouchouareb, comme ses anciens collègues, ne peut être jugé que par la juridiction de la Cour suprême. Un avantage qui n’est du tout pas, tient, en adéquation avec l’idéal démocratique. Et ce n’est pas le seul. Des mesures particulières, contenues dans l’article 542 du code des procédures pénales, font aussi que des membres du gouvernement et les ambassadeurs peuvent donner leurs témoignages par écrit. On leur épargne le déplacement au prétoire. C’est une disposition qui a d’ailleurs profité à Amar Ghoul, en 2015. Auditionné dans l’affaire du scandale de l’autoroute est-ouest, en sa qualité de ministre des Travaux publics à l’époque, Amar Ghoul avait répondu aux quinze questions du juge d’instruction par écrit. Il l’avait fait en tant que témoin dans une affaire de malversations qui a éclaboussé pourtant son propre ministère. Le tribunal d’Alger avait condamné, on s’en souvient, à des peines de prison une quinzaine de personnes, sans les proches collaborateurs du ministre.

L’argument Abdelaziz Bouteflika

Le procès, qui avait laissé en suspens des questions dérangeantes, n’a pas inquiété le sommet dans une affaire que d’aucuns liaient aux luttes de clans au sommet de l’Etat. Le nom du général Abdelkader Aït Ouarab dit Hassan avait été avancé. Lequel général Hassan a été jugé, quelques mois plus tard par le tribunal militaire d’Oran qui l’avait condamné à cinq ans de prison ferme. On se souvient aussi que Amar Ghoul, accusé de pas moins de «30 millions d’euros de commission», s’était défendu en affirmant même que c’est Abdelaziz Bouteflika qui était visé par cette affaire. L’argument Abdelaziz Bouteflika a toujours été le rempart dont se servent les gens du clan présidentiel, notamment dans ces lourdes accusations d’«association de malfaiteurs, corruption, blanchiment d’argent, trafic d’influence et dilapidation de deniers publics». C’est à Bouteflika que s’en remet Abderahmane Achaïbou qui n’omet pas, d’ailleurs, de dire qu’il émarge au FCE, la très fidèle, au clan présidentiel, organisation patronale de Ali Haddad.

Épisodes de ces scandales

Abdeslam Bouchouareb, lui-même, s’est réfugié derrière des arguments de guerre d’intérêts, évoquant des manœuvres de lobbies qu’il dérangerait. C’était en avril 2016, pour se défendre dans le scandale mondial de Panama Papers, en sa qualité de ministre de l’Industrie et des Mines en fonction. La justice ne s’était pas saisie du scandale. Tous les épisodes de ces scandales, auxquels il faudra ajouter celui de Sonatrach et du «réhabilité» Chakib Khalil, nous mettent bien face aux raisons historiques qui rendent minces les chances de voir l’institution judiciaire aller au-delà de la procédure administrative enclenchée dans l’affaire Achaïbou/Bouchouareb. C’est connu, la corruption se nourrit des systèmes autocratiques et prospère à l’ombre de l’instrumentalisation de la justice. Son éradication relève de la seule volonté politique. En Algérie, elle est sélective. Au moment où le discours officiel va en guerre contre ce phénomène gangréneux, dans la pratique la «main de fer» de l’Etat s’abat sur des lampistes sans les intouchables du sérail, gardés loin de la portée des juges.

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