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Abdelouahab Fersaoui : « La mobilisation en dehors des vendredis doit reprendre afin d’exercer plus de pression sur ce pouvoir »

Dans cet entretien, le président de l’association Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), Abdelouahab Fersaoui, explique pourquoi la multiplication des rencontres qui rassemblent des forces vives et démocratiques de la société, pour le changement du système actuel, sont importantes. Selon le président de RAJ, il faut unir toutes les forces et sortir avec une seule feuille de route qui regroupe toutes les initiatives pour peser devant les tenants du pouvoir.

  
RAJ a pris part, ce mercredi, à la rencontre des forces de l’Alternative démocratique. Comment évaluez-vous les résultats de cette rencontre ?

La rencontre a été très positive. Ça nous a permis d’échanger nos visions sur le mouvement, son évolution, l’attitude du pouvoir réel par rapport au Hirak et sur la transition démocratique qui répond aux aspirations des algériens-es.
Le débat a été riche et fructueux, on peut le constater dans le communiqué final qui reflète l’esprit du mouvement et ses revendications, liées aux changements du système, et nous permettra d’aller vers une période de transition qui va garantir réellement le transfert du pouvoir au peuple.
Mais cette rencontre doit être suivie par d’autres plus larges, ouvertes et inclusives, car on doit tous œuvrer pour capitaliser et rassembler toutes les forces du changement, partis politiques et dynamiques de la société civile, afin d’aller unis et non dans l’unicisme pour créer le rapport de force nécessaire en vue d’amorcer un processus de changement démocratique.
Pour cela, toute rencontre qui rassemble des forces vives et démocratiques de la société pour le changement du système actuel est la bienvenue.
Votre participation à cette rencontre s’inscrit-elle dans le cadre des résolutions de la conférence de la société civile, prévoyant une prise de contact avec la classe politique ?

Il est important de rappeler que la conférence nationale de la société civile, organisée le 15 juin passé et couronnée par l’adoption d’une proposition consensuelle pour une sortie de crise, est le fruit de plusieurs rencontres de concertation entre les dynamiques de la société civile venues de différents horizons et qui représentent différentes sensibilités.
J’avoue que ça n’a pas été facile, car le pouvoir, depuis des décennies, a diabolisé l’action politique, syndicale et associative et a empêché la classe politique et la société civile de s’organiser d’une manière libre et autonome. Nous avons perdu l’habitude de nous asseoir autour d’une même table pour exposer nos opinions, débattre nos visions et discuter nos contradictions. Mais grâce à ce mouvement qui nous a libéré et avec la détermination de l’ensemble des participantes et participants à cette conférence, nous avons pu dépasser nos divergences et sortir avec un socle commun qui peut être insuffisant aux yeux de certains que je comprends, mais  que, personnellement, je considère comme une réussite et une étape importante que nous devrons renforcer à l’avenir.
D’ailleurs et comme vous l’avez dit, l’une des résolutions de cette conférence est de s’ouvrir à d’autres forces vives comme partis politiques et d’autres dynamiques de la société civile, car nous sommes conscients de la nécessité et de l’urgence de créer des synergies et conjuguer nos efforts avec les partis politiques. Nous sommes interpellés afin de traduire le consensus populaire, exprimé par la rue depuis le 22 février autour du changement du système, vers un consensus politique chez la classe politique et la société civile autour de la transition démocratique qui va restituer au peuple sa souveraineté.
C’est dans cet objectif que nous avons participé à la rencontre de mercredi (27 juin 2019) qui a regroupé nombre de partis politiques appelant à alternative démocratique, comme nous avons également participé ce jeudi à une autre rencontre de concertation avec d’autres partis, organisée sous le thème le front pour le changement. Nous œuvrons pour aller vers une conférence nationale politique et rassembleuse qui devra adopter une feuille de route de sortie de crise consensuelle. C’est un défi qui n’est pas facile mais possible à réaliser, il suffit juste d’écouter le peuple et de déjouer les tentatives du pourvoir réel incarné par l’état-major de l’armée qui tente de diviser le mouvement.
Près de quinze jours après la tenue de la conférence nationale des dynamiques de la société civile, y’a-t-il de nouvelles étapes en préparation en vue de concrétiser les objectifs visés ?
Le pouvoir joue sur l’usure et la division d’où la nécessité d’être vigilants et de renforcer nos rangs. En premier lieu des choses, nous devrons nous impliquer davantage dans le mouvement, car le maintien de la mobilisation pacifique est le seul garant face à ce système machiavélique.
La seconde priorité consiste à tisser des liens et des jonctions entre la société civile et les partis politiques qui s’inscrivent dans la rupture avec ce système finissant, d’où la nécessité d’aller ensemble à une seule conférence nationale politique qui regroupe à la fois les partis politiques, la société civile et les personnalités nationales. Cela dans l’objectif de sortir avec une proposition consensuelle et d’éviter des divisions dans la classe politique qui peut avoir des prolongements dans le mouvement, chose que le pourvoir cherche et souhaite vivement.
La transition démocratique demandée par la société civile et une large partie de la classe politique bute sur un refus catégorique du chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah. Selon vous, comment contraindre l’armée à accepter cette solution ?
Malheureusement, le pouvoir incarné par le chef d’état-major refuse jusqu’à présent d’écouter le peuple. Ces déclarations reflètent l’absence de toute volonté de changement. Il s’accroche à la soi-disant solution « constitutionnelle », qui n’a pas de sens politique, en voulant organiser dans les plus brefs délais les élections présidentielles, car de cette manière il pense garantir le maintien du système sous une autre forme.
Une période de transition est inéluctable car la crise est politique, la solution ne peut être que politique. Face à l’entêtement du pouvoir, la mobilisation pacifique au niveau national doit se poursuivre. En plus de la mobilisation des étudiants, que je salue à l’occasion, d’autres dynamiques et corporations comme les syndicats, les médecins, les artistes, les avocats, les universitaires, les journalistes, … doivent reprendre leur mobilisation en dehors des vendredis afin de mettre plus de pression sur ce pouvoir. Ajoutons à cela la capitalisation de différentes initiatives au nouveau national, sans oublier la réappropriation des espaces publics de libre débat et cela avec comme objectif de créer un rapport de force nécessaire afin d’imposer une période de transition qui répond aux aspirations du peuple algérien.
Selon vous, que vise le pouvoir à travers la répression, les attaques contre les militants et les manifestants et l’interdiction du drapeau Amazigh ?
Depuis l’indépendance, le pouvoir a toujours joué la carte de la division et de la diabolisation. Les conséquences sont chaotiques car il a réussi à atomiser la société. À force d’aiguiser et de jouer sur les contradictions de la société, il a réussi à s’ériger en arbitre. Seulement, le mouvement du 22 février a faussé tous ses calculs. Désormais le peuple algérien a pris conscience que sa force réside dans son union.
Aujourd’hui, on constate que le pouvoir est divisé face au peuple uni, les attaques aux drapeaux Amazigh reflètent une panique au sein du système qui essaye de récupérer l’initiative en tentant, en vain, de diviser le mouvement. En jouant la répression, il tente de réutiliser la carte de la stigmatisation de la Kabylie, c’est connu. Il tente aussi d’affaiblir le mouvement pour pouvoir, même à terme, de négocier en position de force.
Le mouvement a finalement déjoué tous ces plans quand nous constatons que le peuple algérien s’est réconcilié avec son identité et son Histoire et demande à vivre ensemble, dans le respect de la diversité dans une Algérie libre, démocratique, sociale, pluraliste et civile.

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